Autre découverte liée à mon expérience de Noël, « Ravage » de René Barjavel est une œuvre plus proche de mes univers de prédilection. Bien qu’écrit en 1942, ce roman est à classer dans la science-fiction, voire dans le post-apocalyptique.

Tout commence à l’instant où tout s’éteint. L’électricité disparaît partout, des piles aux générateurs, laissant l’humanité de 2056 dans le noir. François Deschamps, étudiant en ingénierie agricole venu rendre visite à son amie Blanche à Paris, va alors mener une petite troupe de survivants hors de la ville en proie aux flammes et à la destruction.

Ce qui m’a d’abord frappée en lisant cette histoire, c’est la modernité de cette vision du futur. Pour un livre de 1942, certains détails ne sont pas si éloignés de notre évolution actuelle. Lignes à grande vitesse, écrans partout, gratte-ciels immenses, voitures individuelles dans toutes les rues, cet univers où l’humanité est dépendante des machines et semble incapable de vivre sans elles n’est pas sans rappeler la réalité actuelle.

On trouve également une justesse dans sa manière de décrire la panique qui suit la disparition de l’électricité et la soudaine inutilité des objets du quotidien. Les réactions de cette humanité précipitée dans le noir ne sont certainement pas très éloignées des nôtres si la même chose devait nous arriver.

Au-delà de cette impression de plausibilité dans la vision futuriste et des premiers effets de cette chute de la civilisation, je n’ai pas forcément accroché au message de fond pessimiste, voire réactionnaire. On sent clairement que Barjavel n’est pas un fan des évolutions technologiques et y voit une aliénation des gens aux outils, au point d’en devenir idiots. Quelque soit le domaine abordé (médecine, transport, culture), l’auteur dépeint une utilisation excessive et disproportionnée de la science, quitte à lui donner des conséquences presque mystiques.

On y retrouve ce bon vieil antagonisme : modernité / tradition, où les deux valeurs seraient inconciliables et seule l’une des deux serait le salut de l’humanité.

Son personnage principal venant de terres reculées, il incarne le sauveur aux valeurs justes et ancestrales. La graduation des catastrophes (révoltes, maladies, incendies, tempêtes…) va d’ailleurs très rapidement donner une dimension biblique à son épopée. La troupe de survivants qu’il va rassembler doit affronter des épreuves de plus en plus grandioses où les éléments naturels se déchaînent et mettent à l’épreuve leur endurance, jusqu’à leur arrivée en terre promise, une région de France que l’automatisation n’a pas souillée, où les hommes et les femmes savent se servir de leurs mains pour vivre.

1942 oblige, autant vous dire que les valeurs de ce héros merveilleux sont un peu en décalage avec notre époque. Le patriarcat, pour ne citer que lui, va évidemment bon train : les rares interventions féminines sont inutiles ou ridicules, et le mythe de la femme vertueuse en détresse est prédominant. Il suffit de jeter un œil au chapitrage pour comprendre que la capacité à se projeter dans le futur de l’œuvre ne réside pas dans une nouvelle proposition de fonctionnement des relations sociales (la dernière partie se nomme tout de même « Le patriarche »).

Je vous recommande tout de même cette lecture. Malgré ses défauts évidents, elle a l’avantage d’interroger sur l’ « après », sur ce qu’il adviendrait si l’on retirait soudainement l’électricité dans une société qui en est si dépendante.

Crédit photo : « Burn » par EWKn sur Deviant Art.