Marie-toi et sois soumise – J’ai lu l’ennemi

Offert comme un cadeau gag à Noël, ce livre est évidemment une taquinerie envers mes idées féministes et mon engagement amoureux à venir. Bonne joueuse et sachant qu’une pétition tourne pour faire retirer le livre de la vente, je me suis dit que j’allais tout de même le lire pour me faire ma propre opinion.

Avant de survoler la quatrième de couverture, j’ai eu un instant l’espoir qu’il s’agissait d’un titre provocateur pour un ouvrage à prendre entièrement au second degré. Vain espoir.

Les premières pages m’ont fait l’effet d’un yo-yo émotionnel terrible. Alternant entre réflexions amusantes, voire pertinentes, et imbécillités profondes, j’ai mis un moment à être fixée sur le vrai propos de l’auteur. Avec un style léger et une auto-dérision qu’il faut bien lui reconnaître, Costanza Miriano nous dit bien tranquillement que la femme d’aujourd’hui se sent perdue car, contrairement à ses ancêtres, son chemin n’est plus tracé et que la solution à son mal-être est de revenir à ses sources, c’est-à-dire : devenir une épouse dévouée et une mère accomplie.

Elle nous explique donc, avec entrain et bonne humeur, qu’elle doit être le cœur de sa famille, ne doit avoir d’autres préoccupations que le bien-être de celle-ci, sans oublier de valoriser et soutenir son époux en toutes circonstances. Bref, en revenir à ce bon vieux patriarcat.

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Pour Costanza Miriano, le mariage n’est pas optionnel. Tout couple doit avoir pour finalité de se marier et de construire une famille. Il n’existe à ses yeux aucune autre solution. Dans ce livre, elle écrit des lettres à ses amis, à ses filles, à son mari pour leur expliquer pourquoi il faut sauter le pas du mariage, ce qui fait un bon mari, ce qui fait une bonne épouse. Vous me permettrez de vous soulager de ce suspens insoutenable et de cette lecture intolérable : le mariage est le seul moyen pour le couple de s’épanouir, le mari doit représenter l’autorité (y compris au niveau financier évidemment), la femme doit s’occuper de faire tourner la maison.

Pour parachever ce monde merveilleux, le portrait qu’elle dresse des hommes les réduit à des ours incapables de communiquer, obnubilés par le football et la bière. Y’a pas à dire, quel rêve merveilleux que de se soumettre gaiement à un tel individu !

Buveur de bière, amateur de football, n'aimant pas parler. L'homme selon Costanza M

Buveur de bière, amateur de football, n’aimant pas parler. L’homme selon Costanza Miriano.

L’auteur assume pleinement son moralisme et le fait que ses arguments ne reposent que sur son expérience personnelle (et celle de ses amies sorties du même moule catho extrémiste bien-pensant apparemment). Partant de cela, elle s’appuie sur une perception toute subjective pour aborder les thèmes qui lui semblent essentiels pour un mariage réussi, ce qui fait méchamment grincer des dents.

Pour ne citer qu’un extrait de ce qui ne va pas dans cette vision des choses, son décryptage des priorités des femmes m’a fait balancer le livre à travers la pièce dans un hurlement rageur. Pour le plaisir (!), je vous ai gardé mes passages favoris :

« À vrai dire, je ne connais aucune femme dans mon entourage qui se sente particulièrement concernée par les questions dont s’occupent avec tant de zèle de nombreux journaux et associations féministes. Quand on est dans la queue du supermarché, qu’il pleut, que le match de football et le cours de catéchisme vont bientôt se terminer (à la même heure, mais pas au même endroit) qu’une de vos filles dort dans le caddie et que l’autre doit aller aux toilettes très, très vite, quel intérêt pourrait-on bien trouver à toutes ces proclamations sur les femmes qui ne seraient embauchées que pour leur physique, sur les lois sauvages de la réussite ou sur la cruauté de la société de l’image qui nous contraint inévitablement, pauvres de nous, à recourir à la chirurgie esthétique. »

« Je ne connais aucune femme perturbée d’avoir été empêchée d’avorter dans le confort de sa salle de bain ; j’en connais un grand nombre qui le sont, en revanche, parce qu’un enfant n’arrive pas, que ce soit en raison de l’âge, d’un compagnon trouillard, ou d’une vie trop compliquée pour l’accueillir. »

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Ces deux citations mériteraient des commentaires longs comme un bras chacun, mais je vais me concentrer sur la nausée qu’a soulevé le second passage. Associer l’avortement à une notion de confort est en soi suffisamment révoltante mais le mettre en parallèle de l’incapacité à procréer est extrêmement malsain. Dénigrer la souffrance de la première proposition en la comparant à la souffrance de la deuxième est d’une violence délirante.

Tout le livre repose sur ce genre de mises en parallèle insultantes qui démontrent clairement qu’elle n’a pas saisi le monde actuel, les enjeux du féminisme et pourquoi son livre est critiqué. Certaines piques sont d’ailleurs régulièrement balancées à l’encontre des féministes, sous-entendant même que certains problèmes ne seraient que des créations de leur part (le plafond de verre notamment).

J’ai calé aux deux tiers du livre, épuisée par tant de clichés. J’ai comme code personnel de ne jamais écrire sur mes livres mais les amalgames et raccourcis de Mme Miriano ont eu raison de ce principe. « Marie-toi et sois soumise » est donc le seul livre de ma bibliothèque parsemé de jolis mots fleuris dans sa marge.

Une pétition demandant le retrait de cet ouvrage est actuellement accessible sur Change.org. J’ignore s’il s’agit d’une solution durable pour lutter contre les atteintes aux droits des femmes, surtout quand on sait que l’éditeur revendique plus de 5 000 exemplaires vendus en France et qu’il est facile d’imaginer qu’un pourcentage des acheteurs doit l’avoir pris sciemment.

Ce que je ne peux m’empêcher de penser par contre, c’est que ce genre de livre est une des raisons pour laquelle il faut continuer à prôner l’égalité des sexes et expliquer pourquoi il faut sortir de ce genre de stéréotypes datés et dégradants. Le vrai progrès serait que plus personne n’ait envie spontanément d’écrire ce genre de livre plutôt que devoir les interdire.

Le vrai progrès serait aussi qu’une personne reconnaissant avoir « la finesse psychologique d’un avant-centre de l’Inter de Milan » puisse avoir la décence de ne pas enfoncer le clou dans un monde qui s’entête à dénigrer les droits des femmes.

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3 Comments

  1. RAAAAAAAH !

    (╯°□°)╯︵ ┻━┻

  2. Clémence

    J’ai lu ce livre et sans ironie, je le trouve super et pleins de bon sens. Peut-être par ce que je n’ai pas de problèmes avec ma féminité, ni avec la virilité. La femme est la femme et l’homme est l’homme. D’égal dignité mais pas ils n’ont pas les mêmes talents. On ne comprend que l’Homme en considérant l’homme et la femme, de manière complémentaire et non pas comme une compétition à celui ou celle qui arrivera à imposer ses idées et à dominer l’autre.

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